Les dalits catholiques d’Inde déposent plainte aux Nations unies contre le Vatican

C. LE. (avec Apic et Ucanews), le 15/07/2015 Journal La Croix
Les dalits catholiques indiens ont déposé plainte le 30 juin 2015 aux Nations Unis contre le Saint-Siège, l’accusant de ne pas faire assez pour mettre un terme aux discriminations que subissent les intouchables au sein de l’Église.
« Il existe des cimetières séparés pour les dalits chrétiens. Dans les paroisses, les bancs sont installés de manière à ce que les dalits soient séparés du reste de la communauté. Les processions ne passent pas dans les rues où vivent les dalits chrétiens », témoigne à l’agence de presse Ucanews Kudanthai Arasan, président de l’association « Viduthalai Tamil Puligal Katchi ». Cette association de défense des droits de l’homme, ainsi que le Mouvement de libération des dalits chrétiens (DCLM) ont déposé, le 30 juin, une plainte au centre d’information des Nations unies pour l’Inde et le Bhoutan à Delhi à l’intention du secrétaire général Ban Ki-Moon.
Appelés scheduled castes (SC, « castes répertoriées ») dans la Constitution indienne de 1950, ou « hors castes », car ils ne font partie d’aucune des quatre castes qui structurent la société indienne depuis des millénaires (brahmanes, kshatryas, vaishas et sudras), les dalits – du sanscrit « dal », signifiant écrasé, piétiné – se voient traditionnellement réserver les professions mettant en contact avec les immondices, les cadavres et les excréments… Selon les croyances hindoues, leur simple contact rend « impur ». Du coup, la plupart des Indiens s’attachent à ne jamais les approcher, notamment en ne mangeant pas à la même table qu’eux.Seulement 9 évêques dalitsOr les dalits, qui représentent 18 % de la population indienne, constituent 70 % des 24 millions de catholiques en Inde – sauf dans le Kerala (Sud de l’Inde), où ils sont moins de 20 %. Malgré cette forte proportion, les dalits restent très peu présents dans la hiérarchie ecclésiale. Ils représentent environ 10 % du clergé diocésain et, sur environ 190 évêques, 9 seulement sont issus de cette communauté. « Nous avons demandé à maintes reprises de mettre un terme à ces discriminations à l’intérieur de l’Église catholique, mais nous nous sommes heurtés à un dialogue de sourds », déclare Mary John, président du DCLM.
Les deux associations de défense des dalits accusent notamment la Conférence des évêques d’Inde (CBCI) de ne pas traiter suffisamment de cette question avec le Vatican. « Ils ont déclaré que la discrimination basée sur l’appartenance à une caste était un péché, mais eux-mêmes la pratiquent », poursuit Mary John. Les 22 membres délégués de ces deux associations souhaitent que si le Vatican ne prend pas les mesures nécessaires pour bannir ces discriminations basées sur les castes, l’ONU retire au Saint-Siège son statut d’observateur.
Du côté de la Conférence des évêques d’Inde, le P. Joseph Chinnayyan, secrétaire général adjoint, a déclaré à Ucanews n’avoir pas eu connaissance d’une telle plainte : « Nous y donnerons une réponse quand nous en aurons été informés ».Une « théologie dalit »Le Mouvement de libération des dalits chrétiens a été fondé par le jésuite Antony Raj qui, de retour en Inde en 1986, après des études en sociologie à Chicago, avait enquêté sur les discriminations contre les dalits catholiques au Tamil Nadu. Son engagement pour leur libération, avec l’appui notamment du missionnaire français Pierre Ceyrac, lui valut l’inimitié de plusieurs évêques qui firent pression afin d’éloigner le P. Raj des mouvements militants.
Depuis les années 1980 pourtant, l’Église catholique soutient la « théologie dalit ». Cette théologie de libération spécifique à l’Inde met en valeur les figures de protestation contre les cultures dominantes védiques puis brahmaniques – telles Bouddha (fondateur du bouddhisme au VIe siècle av. J.-C.), Kabir (poète réformateur du XVe siècle), Nanak (fondateur du sikhisme au XVIe siècle) ou Babasaheb Ambedkar (juriste réformateur du XXe siècle). Elle est enseignée dans la plupart des instituts catholiques de théologie en Inde. Et de nombreuses congrégations religieuses soutiennent des programmes sociaux et pastoraux pour aider les dalits à défendre leurs droits.L’hostilité tenace des castes supérieuresCe faisant, ils suscitent l’hostilité tenace des castes supérieures qui constatent que des dalits éduqués et conscientisés n’acceptent plus d’être traités en main-d’œuvre taillable et corvéable. D’où les violences récurrentes contre les chrétiens et les calomnies contre l’Église, accusée par les partis hindouistes fondamentalistes de procéder à des « conversions forcées ».
C. LE. (avec Apic et Ucanews)
 
 



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