L'Inde dépénalise l'homosexualité

Journal La Croix, le
 
La Cour suprême indienne a supprimé un article du code pénal rédigé par les Britanniques en 1860 qui punissait d’emprisonnement les relations charnelles « contre-nature ».
La nouvelle a déclenché des cris de joie chez des hommes et des femmes parés aux couleurs de l’arc-en-ciel qui s’étaient réunis par petits groupes dans les grandes villes indiennes en attendant la décision des juges. En Inde, l’homosexualité n’est désormais plus un crime. L’article 377 du code pénal qui punit de prison ferme « les relations charnelles contre-nature », rédigé par le colonisateur britannique en 1860, a été abrogé hier par la Cour suprême d’Inde.
Après avoir entendu les arguments des plaignants homosexuels, un panel de cinq juges a considéré cette vieille loi comme étant anticonstitutionnelle. Cette disposition « était devenue une arme de harcèlement contre la communauté LGBT », a déclaré le président de la Cour suprême Dipak Misra, avant de rappeler : « Toute discrimination fondée sur la sexualité équivaut à une violation des droits fondamentaux. »
Selon le code pénal indien, hérité en partie de l’ère coloniale britannique et fruit de la morale victorienne, l’homosexualité était sur le papier passible de prison à vie. En pratique, les condamnations pour relation sexuelle entre personnes de même sexe étaient rarissimes. En un siècle et demi d’existence, moins de 200 personnes ont été poursuivies au titre de l’article 377, note le jugement de la Cour.
La décision des magistrats ne faisait guère de doute après une décennie de débats, marquée par une première abrogation de la loi en 2009, un revirement en 2013, suivi en 2017 d’un rappel du législateur « au respect de la vie privée » et donc de l’orientation sexuelle. Dans leur combat, les associations de droits de l’homme avaient reçu le renfort de plusieurs groupes religieux du pays, dont des musulmans et des chrétiens.
« L’Église catholique enseigne que les homosexuels ont la même dignité que chaque être humain et condamne toutes les formes de discrimination injuste, de harcèlement ou d’abus », avait déclaré le cardinal Oswald Gracias, archevêque de Bombay. Quant aux nationalistes hindous au pouvoir, pourtant conservateurs sur les sujets de société, ils ont refusé de prendre position sur ce dossier sensible avant les élections législatives du printemps 2019.
« Ce jugement ne met pas seulement fin à la criminalisation de l’homosexualité, il ouvre la porte à la fin des discriminations », se félicite Anjali Gopalan, directrice de la Fondation Naz, une ONG en première ligne du combat judiciaireengagé au début des années 2000. « Dans leur compte rendu, poursuit-elle, les juges invitent le personnel médical à ne plus considérer l’homosexualité comme une maladie, et préviennent les policiers qu’ils doivent cesser leurs violences contre ces personnes. » Faute d’être appliqué, l’article 377 était devenu une arme utilisée notamment par les forces de l’ordre pour extorquer de l’argent, voire abuser physiquement des personnes homosexuelles.
Il confortait par ailleurs les tabous profondément ancrés dans la société indienne, notamment en zone rurale où vivent encore 66 % du 1,35 milliard d’habitants du pays. Loin des centres urbains, les homosexuels vivent encore largement dans la clandestinité, et sont contraints par leur famille de se marier ou de vivre coupés de leurs proches.
Au cours des dix dernières années, la communauté homosexuelle a commencé à s’afficher dans les grands centres urbains, ne craignant pas de défiler lors de Gay Prides organisées à Bombay, Bengalore ou Delhi. Plusieurs célébrités issues du monde des affaires, des médias ou de la culture ont révélé leur homosexualité, au risque parfois d’être répudiées par leur famille. Dans un autre jugement remarqué, la Cour suprême indienne avait reconnu en 2014 la communauté transgenre, qui compte plusieurs millions de membres, comme étant un troisième genre, ni masculin ni féminin.
Olivier Tallès
 



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